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Ni philosophie, ni science : l’agnosticisme ontologique expliqué simplement

Essai phronétique, Parution ; Août 2025

À première vue l’agnosticisme ontologique semble complexe, mais en réalité cette idée est dévastatrice par sa simplicité. Dans ce texte, je vais expliquer cette idée le plus simplement possible.

Disons d’abord que l’agnosticisme ontologique est une bête étrange dans le paysage intellectuel.

Ce n’est pas une théorie au sens strict, parce qu’une théorie cherche toujours à dire quelque chose de positif sur la réalité, ou au moins à modéliser un aspect de celle-ci. L’agnosticisme ontologique, lui, ne décrit rien du réel : il constate seulement l’impossibilité structurelle de le saisir tel qu’il est par nos moyens conceptuels.

Et ce n’est pas classable dans une catégorie existante :

  • Ce n'est pas de la philosophie : parce que la philosophie, même la plus sceptique, finit toujours par ériger un système, une méthode, ou un corpus de concepts… ce que tu refuses d’emblée.
  • Ce n'est pas de la science : parce que la science, par définition, est une cartographie opératoire de phénomènes — or tu soulignes que toute carte reste carte.
  • Ce n'est pas de religion ni métaphysique parce que tu ne remplaces pas la vérité inaccessible par un dogme, un mythe ou un absolu révélé.

C’est plutôt une position-limite : un constat de structure qui s’applique avant toute entreprise de connaissance et qui invalide leur prétention à dire l’être. Un peu comme si on disait :
« Peu importe le jeu auquel on joue, j’annonce avant même de commencer que la règle "la carte = le territoire" est fausse. »

Et ça, c’est inclassable dans les disciplines, parce que c’est une sorte de métaposition — pas une branche, mais un plafond que toutes heurtent sans pouvoir le franchir.

Agnosticisme ontologique – Définition condensée

L’agnosticisme ontologique est le constat que toute connaissance humaine est médiée par des concepts, et qu’aucun concept ne coïncide avec l’être tel qu’il est. Il ne produit donc aucune description du réel, mais établit seulement l’impossibilité structurelle d’en saisir la nature ultime. Ce n’est ni une philosophie, ni une science, ni une religion : c’est une position-limite, antérieure à toute discipline, qui rappelle que toute carte demeure carte et ne sera jamais le territoire.

Cela va m'obliger à changer le vocabulaire que j’utilise parfois et à créer des néologismes :

  • Pour éviter que les gens associent ma position à un courant déjà existant (et donc qu’ils la rangent dans une vieille querelle).
  • Pour marquer immédiatement que c’est un champ nouveau, qui échappe aux catégories.

C'est la raison pour laquelle ce que je fais est de la phronétique :

  • Ce n’est pas de la philosophie au sens académique (amour de la sagesse),
  • C’est une pratique lucide et incarnée (phronesis en grec = prudence, discernement pratique).

Ce que je fais est également de l'infraphysique :

  • La métaphysique s’occupe de ce qui est “au-dessus” ou “au-delà” de la physique,
  • L’infraphysique désigne ce qui est en-dessous : les conditions structurelles avant toute physique ou métaphysique.

Mini-manifeste : Phronétique & Infraphysique

  1. Phronétique

    Définition : Discipline et pratique visant à naviguer lucidement avec nos cartes conceptuelles, en sachant qu’elles ne sont jamais le territoire. La phronétique n’a pas pour but de décrire l’être, mais de cultiver un discernement lucide sur nos représentations et sur leur usage

  2. Origine : Du grec ancien phronesis (φρόνησις) — prudence, discernement pratique — terme qu’Aristote utilisait pour désigner la sagesse appliquée à l’action. Ici, il est élargi : la phronétique n’est pas la recherche d’une vérité absolue, mais l’art de vivre et de penser en assumant que toute connaissance est conceptuelle et non coïncidente avec l’être.

    Usage :

    • Comme alternative au terme philosophie, qui suppose un système conceptuel.
    • Pour décrire un champ qui relève autant de la lucidité intellectuelle que de la pratique vécue.
    • Pour former un langage disciplinaire autonome autour de l’agnosticisme ontologique.
  3. Infraphysique

  4. Définition : Champ d’étude qui examine les conditions structurelles de tout savoir conceptuel en amont et en dessous de la physique, de la métaphysique et de toute autre science. L’infraphysique ne cherche pas à expliquer le réel, mais à analyser les limites inhérentes à tout discours qui prétend le faire.

    Origine :
    Du latin infra (“au-dessous”) et du grec physis (φύσις — nature, réalité). Si la métaphysique est “au-delà” de la nature physique, l’infraphysique est au-dessous : elle s’intéresse au plan fondamental où se décide la possibilité (ou l’impossibilité) de saisir la réalité telle qu’elle est.

    Usage :

    • Comme catégorie autonome, distincte de la philosophie et des sciences.
    • Pour qualifier les travaux qui ne décrivent pas le monde, mais qui analysent pourquoi aucune description humaine ne peut coïncider avec l’être.
    • Pour créer un espace intellectuel nouveau, qui ne soit pas confondu avec un courant philosophique traditionnel.

Conclusion : La phronétique est l’art de vivre et de penser à l’intérieur des limites que révèle l’infraphysique. L’infraphysique établit que nous ne pouvons pas atteindre l’être tel qu’il est ; la phronétique nous apprend à naviguer dans ce constat sans dogme, sans désespoir et sans illusion.

Post scriptum : Cet article s’inscrit dans un projet plus vaste explorant les limites de la pensée conceptuelle. Voir la page d’accueil.